Elle hésite, puis franchit le pas : « J’aurais dû faire une grande carrière ». Dans la salle, on sourit, on aime ce mélange de fierté et de retenue qui anime Francesca Solleville. Ses gestes a minima, dans la grande tradition d’une Cora Vaucaire, sa voix rauque et pointue, sa diction de reine africaine, son ton ferme et ses subtils fondus. Ses origines sont en Italie, comme le rappelle le bric-à-brac de cuisine et la sauce tomate qui mijote, laborieuse, dans un coin de la scène. Elle met trop de sel, elle ajoute du curry et des piments. Fidèle à la nonna de son enfance, aux valeurs anti fascistes que la haute figure de sa mère italienne rappelle, incarne et célèbre. Dans son parcours précoce d’exilée politique elle aurait pu être grecque, espagnole. Son pays d’accueil c’est la chanson française, inspirée, haute en dits et couleurs. Elle a des traits de légèreté, une saveur intimiste et soyeuse, des sorties drôles et provocantes. Elle traque et domine l’aventure du XX° siècle, ses tourments, sa cruauté, ses moments de bonheur et plante un individu aux prises avec le sens de son existence, le télescopage de la grande histoire et de l’histoire intime. Elle pratique le grand écart entre l’autodérision assumée « C’est toujours moi qu’on quitte… » et la gravité ciselée dans la souffrance. Elle est, enfin, servie par une pianiste d’exception.
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AuteurPascal Hanse Archives
Septembre 2015
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