Le temps parcouru par BIT, dernier spectacle de Maguy Marin, semble contenir plus de durée que les 60 minutes que décompte la montre. Les invités –surprises troublent la fête.
Tel que décrit par le mode d’emploi que distribuent les organisateurs, le spectacle est annoncé comme une étude, un brin savante, sur le rythme et la marche. Bon. On se demande une fois de plus si on sera à la hauteur du propos chorégraphique, après tout on n’est pas du milieu, et on n’a pas non plus fait son doctorat. On veut cependant bien croire à cette présentation. Et on accroche, tant les déambulations acharnées des six principaux danseurs que l’enveloppe musicale techno composée par Charlie Aubry témoignent avec force et évidence pour cette démonstration, non sans grâce toutefois.
Le motif central s’impose sans mal : une farandole très urbaine, composite, avec ses six danseurs tous très différents. Elle est secouée par des pulsations qui font souvent monter l’émotion. Elle occupe la scène en lever de rideau, disparait, circule entre arrière-scène et coulisses, s’élève, retombe, comme un fil rouge. Un fil soumis à de fortes tensions, risquant la rupture, un groupe au bord de la dislocation, mais qui fait preuve d’une aptitude notoire à la résurgence. On dirait donc plutôt « résilient » dans la novlangue. Il semble incarner, dans ses heurts et malheurs, un propos militant qui pourrait être l’unité du dissociable, reliant les uns aux autres des singularités en proie à l’épreuve de leurs propres corps. Ils recherchent dans ce jeu commun, difficile et rugueux, un destin commun, toujours au bord de la fracture. Cette tentative toujours rejouée, avec des figures qu’on retrouve filées tout au long du spectacle, s’impose comme une trame. Elle séduit plutôt, grave, puis enjouée, drolatique, sincère ou un brin caricaturale. Les danseurs qui la composent sont autant d’acteurs occupés à incarner l’idée de leur personnage, un peu improbable. Elle se défait parfois mais l’unité se réincarne autrement: des corps qui se heurtent, évoquant la bousculade dans une multitude anonyme, une cour improvisée où les complices, comme surpris de leur initiative, improvisent une saynète rythmique. En claquant dans leurs mains ils retrouvent le lien social, dans ce partage du rythme qui fait figure de lien anthropologique primitif, et donne à voir et entendre.
Tout ce travail de composition, habile et enjoué, culmine à la fin du spectacle quand la farandole aborde d’imposants plans inclinés, qui démultiplient les défis, enjoignent à plus d’ingéniosité, remettent à l’épreuve des corps la question du lieu et de la destination. Il faut multiplier les postures, les corps s’agitent, s’accrochent , recherchent comme une échappatoire, la sueur coule et les chemises son t trempées. Pendant une heure la chenille aura vrombi.
Tel que décrit par le mode d’emploi que distribuent les organisateurs, le spectacle est annoncé comme une étude, un brin savante, sur le rythme et la marche. Bon. On se demande une fois de plus si on sera à la hauteur du propos chorégraphique, après tout on n’est pas du milieu, et on n’a pas non plus fait son doctorat. On veut cependant bien croire à cette présentation. Et on accroche, tant les déambulations acharnées des six principaux danseurs que l’enveloppe musicale techno composée par Charlie Aubry témoignent avec force et évidence pour cette démonstration, non sans grâce toutefois.
Le motif central s’impose sans mal : une farandole très urbaine, composite, avec ses six danseurs tous très différents. Elle est secouée par des pulsations qui font souvent monter l’émotion. Elle occupe la scène en lever de rideau, disparait, circule entre arrière-scène et coulisses, s’élève, retombe, comme un fil rouge. Un fil soumis à de fortes tensions, risquant la rupture, un groupe au bord de la dislocation, mais qui fait preuve d’une aptitude notoire à la résurgence. On dirait donc plutôt « résilient » dans la novlangue. Il semble incarner, dans ses heurts et malheurs, un propos militant qui pourrait être l’unité du dissociable, reliant les uns aux autres des singularités en proie à l’épreuve de leurs propres corps. Ils recherchent dans ce jeu commun, difficile et rugueux, un destin commun, toujours au bord de la fracture. Cette tentative toujours rejouée, avec des figures qu’on retrouve filées tout au long du spectacle, s’impose comme une trame. Elle séduit plutôt, grave, puis enjouée, drolatique, sincère ou un brin caricaturale. Les danseurs qui la composent sont autant d’acteurs occupés à incarner l’idée de leur personnage, un peu improbable. Elle se défait parfois mais l’unité se réincarne autrement: des corps qui se heurtent, évoquant la bousculade dans une multitude anonyme, une cour improvisée où les complices, comme surpris de leur initiative, improvisent une saynète rythmique. En claquant dans leurs mains ils retrouvent le lien social, dans ce partage du rythme qui fait figure de lien anthropologique primitif, et donne à voir et entendre.
Tout ce travail de composition, habile et enjoué, culmine à la fin du spectacle quand la farandole aborde d’imposants plans inclinés, qui démultiplient les défis, enjoignent à plus d’ingéniosité, remettent à l’épreuve des corps la question du lieu et de la destination. Il faut multiplier les postures, les corps s’agitent, s’accrochent , recherchent comme une échappatoire, la sueur coule et les chemises son t trempées. Pendant une heure la chenille aura vrombi.
En dehors de ce tempo enchanteur, et comme étrangères à cette échappée belle, des scènes plus obscures s’invitent à intervalles réguliers, imposent une rupture de rythme et construisent comme des tableaux énigmatiques. L’obstination épique de la farandole est ainsi troublée en contrepoint par d’étranges obsessions, dont la teneur est envahie par les codes du gothique, peuplée d’agitations fantasmatiques et étouffantes. On devine ainsi que tout devient possible quand la farandole s’absente, se disloque, laissant place au retour fatal d’un imaginaire obsessionnel, peu amène. Les plans inclinés laissent sortir de leurs entrailles toutes sortes d’individus empruntés à un bestiaire moyen-âgeux. Ce monde interlope crache, tapis en embuscade, ses convulsions violentes, macabres. Elles débutent par une lente glissée de corps à demi-nus roulant dans un drapé rouge vif. Les scènes qui suivront mettent aux prises les corps à la violence de leurs pulsions les plus animales, régressives, et jouent sur l’indétermination du genre. Etrange toujours, mais risquant le ridicule, le sommet est atteint lors d’un combat animal entre deux hommes-insectes, comme un gros plan sur un duel entomologique filmé en gros plan dans un préau de cour d’école. La prouesse technique est réelle, mais on n’y croit plus beaucoup à ce moment-là. La scène où une troupe de moines envahit de son sérieux des plus macabres le plateau pour s’adonner en groupe à la nécrophilie, ne présente pas plus d’attrait ou d’intérêt. Le sens glisse vers de grossières évocations, voire des invocations simplistes et douteuses, le cliché n’est pas loin. Tout y est encombrant. Cette étrange parade, alors qu’elle pourrait faire basculer le spectacle dans le cliché et l’anecdote, ne gâche rien a priori au plaisir de retrouver les robes d’été, les chemises trempées de la cavalcade qui reprend heureusement le gouvernail. Elle reste chevillée au centre du monde, sait communiquer son effort pour maintenir le lien, convoquant au passage toute l’ingéniosité et la fantaisie du mouvement. Elle fait ressentir de façon physique et convaincante les risques du partage, du geste et de la marche communes. Palpable, vivante, en dépit des démons qui la guettent. On se demande bien pourquoi.