Détour par Aubervilliers ce soir-là, pour cette pièce « éponyme » comme dit la brochure du festival d’automne. Pour ses dix-neuf ans il parait qu’elle n’a pas pris une ride … on ne saurait dire ! Les grattages de peau, triturages et autres manipulations dermo-corporelles avaient peut-être à l’époque un petit parfum de provocation, de scandale, elles ne parviennent aujourd’hui qu’à distiller un ennui presque revendiqué, avec un esprit de sérieux bouleversant de constance. Car il faut tout voir, sans reste, la nudité des quatre corps exposés, la leçon fébrile du geste intime, la dilution des personnages dans leur propre urine, l’étalage du marchand de séduction, la douleur, tout un florilège d’observations et manipulations cliniques. C’est le rapport au corps, l’inscription des vaines tentatives de sens qui devient fin et outil de l’événement scénique, et de sa remise en cause. Un langage que l’on souhaite évidemment en déconstruction : se reporter à l’interview distribuée dans la salle qui ne nous épargne aucun des poncifs post modernistes, y compris la déférence obligée au fameux « degré zéro ». La démarche relève finalement plus de l’acte de foi, de celle qui nous impose inlassablement le-discours-de-la-mise-en-scène-de-la-crise-de-l’impossibilité-de… Elle a ses adeptes, ses éditeurs, ses émules : qui en niera du reste l’intérêt, la pertinence ? Mais cette inlassable rhétorique de la défaite qui accompagne servilement la crise de la représentation sur scène a tout d’une obsession compulsive. La lecture du texte d’entretien « Je déteste les magiciens. » après le spectacle confirmera ce sentiment malsain de connivence entre un discours stéréotypé et une mise en scène impropre à susciter la curiosité, le mouvement, l’action. Le « spectacle » se déploie ainsi comme une démonstration fastidieuse et vaine, vire à la conquête de l’inutile, un concept nu sans idée pour le faire fonctionner. Qu’on se console ou se rassure toutefois, on a beaucoup aimé l’année dernière Disabled Theater donné dans le cadre de ce même festival.
|
AuteurPascal Hanse Archives
Septembre 2015
Categories
Tout
|