L’entrée au Panthéon de quatre grands noms de la résistance constituait, s’il en était besoin, l’occasion rêvée de réactiver le discours sur le besoin de récit national. Sans contester l’hommage rendu, son intérêt historique ou politique, c’est à un aspect particulier de ce discours que je m’arrêterais volontiers car il est, comme tout hommage, caractèristique avant tout du temps présent. Il tend à poser comme une évidence le constat d’une république « trop abstraite », désincarnée, qui aurait du mal à faire perdurer ses « valeurs » faute de savoir s’attacher au « concret ». En mettant en avant le vécu avant l’idée, l’inflation récente du désormais incontournable « vivre-ensemble » témoigne de cette forme de repentance républicaine. Loin de prétendre s’incarner dans le droit, l’égalité ou la justice, vilaines abstractions, la république fait plus volontiers appel à « la vie », à sa naturellement bienveillante diversité, dont l’éloge continu depuis trente ans devrait magiquement restaurer le sens du commun, à sa police des moeurs si spontanée – et si cela ne fonctionne pas si bien, quelques leçons de catéchisme auront raison des récalcitrants.
C’est précisément le défaut d’abstraction qui est en l’espèce fatal. Eclaté en sous-groupes ciblés par des stratégies qui s’inspirent du marketing pour nourrir une communication politique de plus en plus pauvre, le discours sur les références ne peut que tourner à vide, tandis que la soumission à la pensée unique en matière économique contribue à assécher le débat public. Ecartelée entre la nécessité d’une gestion collective des maux et le tentation idéologique de soigner les particularismes au nom du « bien-vivre » l’allure piétine et le recours au rituel des grands hommes fait bien pâle figure.
Le projet politique, parce qu’il ne peut naître de la combinaison des intérêts particuliers suppose, pour se développer et gagner en popularité, une désincarnation première, une méfiance radicale vis-à-vis du vécu et de ses fausses évidences. Il suppose donc un passage par l’abstraction, une mise à distance contrôlée du concret incarné par les méandres et les pièges de la société civile.
Que chacun, égal en droit, cultive ses particularités c’est une affaire qui ne devrait ni susciter la suspiscion, ni l’engagement explicite de l’Etat. La neutralité républicaine impose qu’il se garde de prétendre diffuser une forme de religion laïque. Il ne peut prétendre régenter les ambitions individuelles ou réformer les esprits.
Il a en revanche la lourde responsabilité de maintenir une service public d’enseignement qui donne à chacun les capacités et la culture minimale pour expliquer et comprendre ce que la république exige de tous, abstraction faite de toute forme d’appartenance religieuse et culturelle. Si cette capacité d’abstraction fait défaut, si elle n’est pas entretenue par les pouvoirs publics dans la gestion des problèmes communs, c’est le principe même de la république qui est atteint.
L’abstraction est foncièrement utile, vitale pour tout corps politique. Il appartient à chacun d’en faire un usage qui préfigure le sens du commun. Dans cet effort, chacun reçoit en retour la liberté nécessaire pour l’exercice de ses choix, personnels ou tribaux. Le concret est produit, il n’est pas premier. C’est parce qu’il est d’abord un sujet abstrait en droit que le citoyen béneficie de toutes les garanties pour mener une vie conforme à des choix, qui ne s’imposent qu’à lui.
C’est précisément le défaut d’abstraction qui est en l’espèce fatal. Eclaté en sous-groupes ciblés par des stratégies qui s’inspirent du marketing pour nourrir une communication politique de plus en plus pauvre, le discours sur les références ne peut que tourner à vide, tandis que la soumission à la pensée unique en matière économique contribue à assécher le débat public. Ecartelée entre la nécessité d’une gestion collective des maux et le tentation idéologique de soigner les particularismes au nom du « bien-vivre » l’allure piétine et le recours au rituel des grands hommes fait bien pâle figure.
Le projet politique, parce qu’il ne peut naître de la combinaison des intérêts particuliers suppose, pour se développer et gagner en popularité, une désincarnation première, une méfiance radicale vis-à-vis du vécu et de ses fausses évidences. Il suppose donc un passage par l’abstraction, une mise à distance contrôlée du concret incarné par les méandres et les pièges de la société civile.
Que chacun, égal en droit, cultive ses particularités c’est une affaire qui ne devrait ni susciter la suspiscion, ni l’engagement explicite de l’Etat. La neutralité républicaine impose qu’il se garde de prétendre diffuser une forme de religion laïque. Il ne peut prétendre régenter les ambitions individuelles ou réformer les esprits.
Il a en revanche la lourde responsabilité de maintenir une service public d’enseignement qui donne à chacun les capacités et la culture minimale pour expliquer et comprendre ce que la république exige de tous, abstraction faite de toute forme d’appartenance religieuse et culturelle. Si cette capacité d’abstraction fait défaut, si elle n’est pas entretenue par les pouvoirs publics dans la gestion des problèmes communs, c’est le principe même de la république qui est atteint.
L’abstraction est foncièrement utile, vitale pour tout corps politique. Il appartient à chacun d’en faire un usage qui préfigure le sens du commun. Dans cet effort, chacun reçoit en retour la liberté nécessaire pour l’exercice de ses choix, personnels ou tribaux. Le concret est produit, il n’est pas premier. C’est parce qu’il est d’abord un sujet abstrait en droit que le citoyen béneficie de toutes les garanties pour mener une vie conforme à des choix, qui ne s’imposent qu’à lui.